Michel Toutous – Radio Kreiz Breizh – émission Taol Jalon taol penn bazh – janvier 2015
Le Lac d’Eugénie est mon coup de cœur de ce début 2015. D’abord Sylvain est un chanteur extraordinaire. Il faut l’entendre jouer des rythmes, des sons, des syllabes, improviser, avec une grande présence scénique. Dans ce nouvel album, on retrouve cette manière à lui, très personnelle, de signer ses textes avec beaucoup d’images sensibles et du quotidien. Il nous trame des histoires émouvantes mais aussi engagées. C’est un citoyen du monde, il ne cache pas ses engagements. C’est une personnalité de la chanson. La musique traditionnelle n’est pas une musique de repli. Sylvain qui vient de cette musique et s’ouvre à d’autres mondes musicaux est le témoignage de cela.
Blog « Chroniques de Monsieur l’ouïe », janvier 2015
Sylvain GirO le batteur de grève nous emmène en ce début d’année dans une randonnée fantastico poétique vers le lac d’Eugénie, un lac où dit-on le chanteur a laissé son ombre par amour pour une créature des eaux, une nymphe des paysages crépusculaires d’une Bretagne, sûrement, à l’âme celte en tout cas, enfin bref, une nymphe oubliée au coeur d’une lande déserte.
Mais dans ces airs d’automne, sur cette terre pelée aux herbes roussies, dans cette petite bruine pernicieuse qui accompagne nos pas, dans ces espaces larges et vides, une impression singulière de chaleur et d’intimité nous fait avancer en souriant. Cet sensation tient en chansons, et dans ces chansons, la voix chaude de GirO est un souffle qui embrase les mots. Un peu comme un Murat d’Auvergne mais plus à l’ouest, et avec une lave nouvelle puisée dans un volcan d’Armorique.
Ce lac d’Eugénie, spectacle et voyage guidé depuis une année, nous ne sommes pas pressés de l’atteindre, tant les étapes proposées par GirO sont lumineuses, brûlantes, tout empreintes d’une espèce de gaieté mélancolique, et peuplées de troubadours fantastiques, mi-anges, mi-gargouilles. Première étape, vous voilà embarqués dans une Ronde des drôles, place du Vieux Palais. Et puis vous quittez la ville, à la nuit tombée, direction une maison hantée, par GirO même parfois, pour un pur moment d’adrénaline à la guitare sauvage.
Une petite course, et le temps de reprendre son souffle, GirO nous conte l’histoire du lac d’Eugénie, la légende d’un jeune homme qui en parait cent et d’une petite fille au regard en lame de couteau. GirO reconte tout ça entre guitare rock et violon, polyphonique presque et à lui tout seul, le matin même se lève à l’écoute de son chant, touchant là à l’universel.
Allez, étape suivante, un petit tour à bicyclette. Chacun retrouve couleurs et légèreté en quelques tours de roue. Jusqu’à retrouver son âme d’enfant, mais pour un temps. l’arrivée, c’est un cimetière sorti du fond des âges, mais même au milieu des vieilles tombes de pierre moussue, la chaleur demeure dans le groupe, et les contes de GirO fascine toujours autant, tant par le texte que par la musique, toujours en symbiose. Après ces pierres, direction celles de la gare Saint-Jean, où l’on est invité à observer les gens qui se séparent, ceux qui restent et ceux qui s’en vont. Qui s’en vont par exemple faire la guerre. Pour la fuir, la dernière étape, le lac d’Eugénie, où chacun apporte sa pierre pour lancer dans les eaux sombres, pour faire un voeu, à l’amour, à la vie et au monde.
Un disque de pierre, de bois, d’espace et de braise, aux danses folk, aux envolées rock, au chant hypnotique. GirO le tour operator et sa marche poétique nous enivre de terre et d’horizon, d’ombres et de lumière, du crépuscule à l’aube sans oublier la nuit, ses nymphes et ses démons.
Cécile Arnoux, Revue Place Publique, janvier 2015
Ce premier article est plus que le reflet d’un homme dans une flaque d’une campagne qu’on imagine bien quelque part au Nord de la Loire. C’est bien le for intérieur qui est convoqué et exprimé. Comme dans ses précédents manifestes, Sylvain GirO met le verbe au centre, joue avec le sens des mots, invente une poésie toujours très marquée par la nature, le monde et ceux qui le peuplent. Ajoutez à cela une voix qui densifie les textes et la chanson prend tout son sens. Les premiers pas au sein de Katé-Mé ont façonné un chanteur, ses foulées au sein de GirO confirment son talent et révèlent encore davantage le poète et le militant. Et là où cela résonne encore plus fortement, c’est dans la musique, plus radicale encore, plus tendue et intense, un peu comme celle qu’invente Rodolphe Burger. Pour accompagner Sylvain GirO, trois complices musiciens et arrangeurs montrent le même engouement et les mêmes intentions que l’auteur, surlignent les mots encore plus fortement que sur les deux disques déjà parus. Batterie, violoncelle et claviers prennent un virage rock qui fait la force de ce nouvel album. Dix morceaux sous tension, une tristesse qui transpire, une violence évoquée, une rage assumée, Sylvain GirO réveille souvent les maux comme pour mieux les conjurer ou les dénoncer. Reste à chacun de réfléchir aux symboliques suggérées. Reste à chacun à se laisser traverser par la force de ces dix odes.